Emmanuel Vilsaint
Flè Kiskeya
Échevelés de douleur
Nous avançons à pas dispersés
Nous-mêmes
Mères de cette putain d’île mal lavée
Déversant la vomissure de ses entrailles au grand jour
Brouillant absurdement la laideur de la marmaille affamée
Pour faire parler une genèse de perle d’antan
Zotobre zotobre'm
Machann jistis opilan
Peye jodi pou gen demen
Demen san maten
Retire kòd nan kou lavi
Lavi tèt san kò koupe rache jete nan rak bwa
Ou va pale an majiskil si'w kapab
Nan alfabè nèg gwo ponyèt
Men kwa manman'w
Men kwa papa'w
Pote'l sou tèt pou pa pile'l
Pito chèche gwo vag lanmè
Lè li fè nich sou do zile'l
Pito mache byen lwen lanfè
Solèy boule'l
Sous dlo kale'l
Sa se listwa Flè Kiskeya
Ki pran koutba gwo potanta
Se lè li jou chay la pi lou
Nan gran kalfou nanpwen lanmou
Nan gran kalfou
Nanpwen lanmou
Emmanuel Vilsaint - Poète Brasseur
Vivre, inéluctablement !
C’est décidé. Nous ne tuerons pas la vie.
Nous ne mourrons pas. Pas comme ça, comme ça ! Pas maintenant ! Parce que nous avons vécu, survécu... Nous avons enjambé la rive assassine. Parce que du haut de la montagne fébrilement escaladée, nous défions encore la voracité des chutes vertigineuses. Tremblotant certes, mais, tel le vieux poteau-mitan gardien du Temple, étonnamment debout. Nous avons parcouru les dédales de notre existence, dévalant la rudesse de nos ultimes désirs. Nos remords. Nous avons fait saigner les rochers. Nous avons appris, pour parler d’acquis, le langage têtu de mille collines ; sacralisant l’insignifiance des vies insignifiantes. Nous avons brassé la vie. L’endroit et l’envers du macabre qui nous sont donnés comme décor ne nous effraient point. Ce lugubre donné comme concerto dans notre devant-porte. Ce tapage faussement silencieux pour barricader la chanson de la mer, le rire du grand vent, l’élégance virevoltante du cerf-volant, l’arabesque de fous rires par-delà le temps qui passe et l’insouciance du devant-jour. Guerriers de l’Amour, POÉSIE est notre cri de guerre, notre rage de vaincre, notre raison d’être. Poésie est amour. Amour est immortel. Nous marcherons désormais, à l’assaut des forteresses de cœurs solitaires. Sur la route épineuse. Nous marcherons. Pour ne plus jamais s’arrêter. Nous marcherons. Avec la conviction d’être, pour soi-même et pour les autres, une quête de lumière. Un rêve éclaté. Éveillé. C’est décidé ! Nous ne tuerons pas la vie. Nous ne mourrons pas ! Nous oserons rêver, les yeux clairs, le visage découvert. Notre esprit piétinera toute ombre incertaine dont ni l’évidence civilisatrice ni les prouesses d’infâme grandeur ne semblent dompter les secrets. Notre cœur cessera de gémir attendant stérilement la délivrance. Nous nous laisserons traverser par le vide, le plein. Les murmures d’aube. La mélodie du silence. Oisifs à tout faire chevauchant le soleil. Libres serons-nous de vaquer à nos non-occupations.
Car, enfin nous comprendrons :
Tout est faux. Seul le poème est forgé de bois !