Emmanuel Vilsaint
Voici, en guise de lecture, un souffle porté viscéralement depuis près de dix ans qui m’a aidé à affronter la brutalité de l’exil, la disparition d'êtres chers, le chaos qui n’a cessé d’engloutir mon pays natal: Haïti, souffre-douleur de l’appât du gain, de la mégalomanie furibonde et de la cruauté de fils indignes.
A travers un cri jeté dans le bassin du silence, - réveil en sueur de l'Homme-Poète aux prises avec la terreur de la nuit -, j'ai tenté, par la vomissure de ces lignes, de contourner ma douleur, embrassant la force de l'amour. Cette poésie intime est donc mon antidote pour ouvrir les yeux et pour m'ériger face aux démons de la destruction. De cette même vision mystérieuse qui illumine mon rêve de vivre, le défi est d'explorer une sensibilité nouvelle enracinée dans l'impalpable, l'irrationnel, l'absence-présence.
Écrire une poésie qui fait la part belle au silence reste la plus noble quête littéraire qui soit. Exercice certes difficile, tant il faut transcender sa propre colère, mais essentiel pour mieux s’écarter de soi-même, étouffer son cri et éveiller l'écho de sa propre sensibilité. D’aucuns diraient une communion avec les êtres et les choses qui nous entourent. On frappe à la porte de la solitude où l’on demande asile, au fil d’un temps savoureux, loin du tohu-bohu naufrageur. Une quête de soi dans le recueillement.
Emmanuel Vilsaint (Poète Brasseur)
PROPOS
« Lire Emmanuel Vilsaint est une plongée dans la genèse des mots. Des mots surprenants qui vous tiennent par les tripes et vous tendent les bras... La chair du silence est une oeuvre transcendante et singulière. » — Donel Saint-Juste, Editions Milo
« On retrouve dans ce recueil, la touche de l’homme de théâtre qui justement théâtralise son propos pour lui donner plus de force et du coup faire mieux entendre le silence. C’est un art ! L’art du poète-brasseur ! Un poète unique comme tous les poètes qui savent se mettre à l’abri des écoles, des académies et des salons qui peuvent légitimer, mais aussi annihiler le talent. » — Eric Sauray, Avocat au Barreau du Val d'Oise, Adjoint au Maire de Montmorency
« Vilsaint, surnommé le Poète Brasseur, parvient à tisser une poésie qui se fait chair, une chair blessée, meurtrie, mais également vivante, vibrante de résilience. En lisant ce recueil, on pénètre dans une dimension où les mots sont à la fois légers et lourds, éphémères et intemporels, guidés par une quête de sens, une soif de rédemption. L'auteur ne cherche pas à apaiser les douleurs du monde par des illusions, mais à les embrasser, les comprendre, les transmuter. Comme il le confesse lui-même, cette œuvre est née d’un souffle viscéral, celui d’un homme-poète qui se débat avec les ténèbres de la nuit. » — James Fleurissaint, Réseau de journalistes culturels haitiens
EXTRAIT
Le remords a jailli
en terrain d’aube
C’est la fuite de l’île
à bras le corps
Un ange court à sa perte,
à tire-d’aile
Sur la terre, comme ailleurs
Seule une poésie d’ombre
dit la nuit à voix nouvelle
(...)
Les murs sont fous qui dansent
les cris des sept douleurs
Pour une fleur aux prises avec la terre
Séquestrée d’hirondelles
Pour une fleur sacrifiée
De mains d’ailleurs
Là où ça fait mal
Dans la chair du silence je pénètre
Sans combattre
En quête d’apothéose de poème
(...)
Là où les ruisseaux chantent
la complainte diluvienne
D'un cri
Je gagne l'énigme
Blessé de mer,
mon visage cendre dans la buée
ne porte ni fièvre, ni sueur
D'un soleil d'espoir perdu
accouche mon ventre
J'ai ma vie à bras-le-corps
Ma vie et celle des anges
Quelle misère ?
Quel vent moribond
a perdu sa route, trébuchant à mon aurore ?
Mon pays étouffe son râle
Ma reine est partie
Je nage
Dans le silence de l'outre-nuit
Je sors ma tête pour médire l'angoisse des jours couleur chagrin
Pourquoi frappes-tu mon corps ?
Pourquoi frappes-tu ma tête ?
Je nage
(...)
Je ne pleure pas
pour verser des larmes
Mais pour écrire du côté gauche
Je fais usage de mon encrier cardiaque
Poète de dernières répliques
Pour dire que la terre qui t’a enveloppée
tremble encore dedans moi
Le jour enfoui dans l’obscurité du creux de tes mains
n’a cessé de battre mon ventre
Et me faire parler pour toi
Chanter
Vivre
Au risque de tarir la source de mes mots
Me perdre dans la désuétude de ton sourire
Extrait de La chair du silence d'Emmanuel Vilsaint. Tous droits réservés. Aucune partie de cet extrait ne peut être reproduite ou réimprimée sans l'autorisation écrite de l'éditeur.